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Décryptage • La visite de Hollande au Tchad : les enjeux

Publié par Ndouné sur 14 Août 2014, 08:54am

Catégories : #Politique

Deby-recoit-Hollande-avec-sa-canne-magique-copie-1.jpgFrançois Hollande a débarqué  le 18 juillet 2014 au Tchad en pleine nuit – pour repartir le lendemain matin – sans même avoir visité N’Djamena. Il était venu avant tout, on l’a vu, pour installer Idriss Deby Itno dans sa fonction de « shérif »  contre le terrorisme en Afrique, mais après son départ, on réalise après coup qu’il y a plein de choses que des tas de gens n’ont pas pigé.

 

Ce que Deby et ses thuriféraires n’ont pas compris

Il faut d’abord comprendre que dans l’agenda initial de l’Élysée, la destination – et encore moins l’escale -  de N’Djamena n’était pas prévue. Selon des informations puisées à bonne source, c’est à cause des incessantes jérémiades du tyran Deby aux oreilles du ministre français de la défense,  et par conséquent sur l’insistance de ce dernier, que Hollande a accepté sur la base des arguments suivants : « Deby est à bout de souffle, il serait prêt à accepter toutes nos exigences, à savoir l’ouverture des nouvelles bases dans l’extrême nord de son pays – Faya et Zouar -, ainsi que  la mobilisation et la mise à disposition de son armée – comme au Mali – aux côtés des troupes françaises… ».

Il faut aussi relever que le choix de l’heure d’arrivée du chef de l’État français à N’Djamena au milieu de la nuit à 23h30 (heure locale) n’a pas été dû au hasard ou à une quelconque mesure de sécurité. En Afrique, les invités n’arrivent pas en pleine nuit, mais dans le cas d’espèce, Hollande ne tenant pas à donner le caractère clinquant d’une vraie visite d’État avec accueil folklorique, bain de foule, fanfare, et toutes les simagrées usuelles en Afrique, il est arrivé comme un patron qui a consacré son programme du lendemain matin à la visite de ses propres militaires à la base française Kossey jouxtant l’aéroport de N’Djamena, pour y déclamer un message fort :  Bref, il était venu pour passer un message à son armée. Un point c’est tout !

Ayant bien consenti à animer une conférence de presse faite au pas de course, la question posée par le journaliste de France Télévision, Gérard Grizbec qui accompagnait François Hollande n’ a pas eu l’air si innocente que ça, et encore moins fortuite :  Malgré les consignes édictées au Directeur de la Télé-tchad, Betel Miarom précisant sans la moindre équivoque possible que le thème de la conférence de presse conjointe Hollande-Deby ne portera que sur la sécurité et le développement, le journaliste français a outrepassé la consigne en posant la question qui fâche à propos du cas Ibni Oumar aux deux présidents.

Bien que s’attendant à la question avec une réponse toute-prête préparée par ses services, Deby a tout de même paniqué et s’est mis à balbutier en reprenant sa copie avec la ritournelle habituelle  « en fait disons » pour baragouiner que l’affaire suit son cours judiciaire. Alors qu’elle a été tranchée depuis plus d’un an par un non-lieu sur demande expresse de Deby lui-même !

Si Hollande ne s’est jamais caché pour affirmer qu’il ne fera aucune concession à propos du respect des droits de l’Homme, il n’ignore pas pour autant que le dossier Ibni Oumar en particulier est suivi de très près par les sénateurs français Jean-Pierre Sueur et Gaëtan Gorce,  ni que la justice Française poursuit l’enquête avec obstination.

 Avec cette question posée de façon impertinente, Idriss Deby a reçu le message cinq sur cinq : « Deby, bien que tu sois notre bon soldat, n’oublie pas que tu dois éviter de nous créer des ennuis ».

Beaucoup d’observateurs le savent : Hollande a des manières très subtiles de ridiculiser ses pairs nègres quand il ne souhaite pas leur accorder trop d’importance. Elles sont nombreuses, les attitudes de mépris glacé de François Hollande vis-à-vis de ses pairs africains.

 Au hasard, voici quelques gestes diplomatiquement peu corrects qui ne trompent pas et traduisent, dans le fond et la forme, le dédain et la mésestime exprimés par Hollande :

-      Pendant que Deby lisait son discours lors de la cérémonie de remise du crâne Toumaï à l’Unesco en 2013 à Paris, Hollande n’a pas trouvé mieux de griffonner pour dire à Deby que « tes bla-bla ne m’intéressent pas » ;

-      A l’ouverture du sommet de la francophonie en RDC en 2013, Hollande avait fait attendre le président de la RDC près de 45mn, et à l’arrivée avait accordé une chaleureusement accolade à Abdou Diouf alors que Kabila s’était contenté d’une poignée de main très froide. Message : « tu ne comptes pas beaucoup pour moi »

-      Lorsque Deby s’est pointé le 18 juillet 2014 à 23h15 devant l’avion présidentiel français sur le tarmac de l’aéroport de N’Djamena, il a patiemment attendu comme un vulgaire laquais – mais très inquiet – pendant presque 15mn. Le message : « tu n’es pas important, tu peux attendre »

Deby---Hollande---meme-vion.jpgL’autre image tout simplement folklorique qui a certainement fait sursauter Hollande lui-même, c’est la médiocrité des thuriféraires du régime qui se sont crus obligés d’affichant sur d’immenses banderoles : « Deby-Hollande : même vision ». Les pauvres n’ont rien compris comme leur chef « en fait disons ». La France n’a pas trouvé mieux en Afrique une marionnette comme Deby – prêt à tout, l’essentiel étant de sauver son fauteuil – pour le mettre devant la scène des théâtres militaires. Pauvre acolyte !

Ce que l’opposition prétendument  « démocratique » du Tchad n’a pas compris 

Plutôt que de déverser des torrents de larmes aux pieds des autorités françaises en imaginant ainsi mettre le soldat Deby au pas -, alors que les gaulois tiennent à l’utiliser dans « leur guerre » -  cette opposition devrait user de moyes plus intelligibles pour se faire entendre : Par exemple organiser des manifs ou sit-in devant les représentations diplomatiques, au risque des conséquences que cela pourrait engendrer. Comme quoi en politique, il n’y a pas de cadeau.

Ce que les autorités françaises n’ont pas compris

-      Le régime de Deby est à bout de souffle : les caisses de l’État sont vides, une menace de la rébellion couve, les  populations lassées par la cherté de vie et la dictature insupportable sont à bout de nerfs.

-      Les populations du BET, informées des intentions de Deby, n’accepteront pour rien au monde l’installation des bases militaires françaises à Faya et à Zouar, car les souvenirs cauchemardesques des années 70 -  quand la France avait envoyé ses légionnaires mater la rébellion contre le régime dictatorial de Tombalbaye -  ses soldats avaient commis d’immondes crimes contre l’humanité en incendiant des palmeraies, massacrant des civils, violant des jeunes femmes, selon des réactions récueillies auprès des dignitaires influents de la région.

La France doit revoir la copie de sa politique au Tchad. Faute de quoi elle court le risque de perdre définitivement l’amitié que lui manifeste le peuple tchadien qui est mûr et prêt à dire stop : « trop c’est trop ».

Par D.D | Ndjamena-matin

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