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La lente agonie de la "Françafrique"

Publié par Ndouné sur 13 Février 2010, 03:16am

Catégories : #Enquête

sarkozy_discours_Dakar.26.07.07-France24.jpgEn 2007, le nouveau président de la République française, Nicolas Sarkozy, promettait d'assainir la politique africaine de la France. L'engagement n'a guère résisté à la pratique du pouvoir, même si la Françafrique décline inexorablement.
 
 

Biens mal acquis, détournement de l'aide publique au développement, coups d'États fomentés depuis Paris... Ce n'est qu'à la fin des années 1990, alors que commence sa lente agonie, que la "Françafrique" essuie les plus virulentes critiques. En cause, le système clientéliste mis en place au sommet des Etats dès les premières indépendances par le "Monsieur Afrique" de l'Élysée, Jacques Foccart, un homme de l'ombre du général de Gaulle, sulfureux et discret, chargé de tisser le maillage néo-colonial d'une France désormais dépourvue de son empire.

Selon ses détracteurs, le secrétaire général des affaires africaines et malgaches de la présidence de la République a fait et défait les présidents du pré carré francophone pendant plusieurs décennies de la Ve République. Une période où l'Afrique était "le seul continent où la France pouvait encore, avec 500 hommes, changer le cours de l'Histoire", selon un ancien ministre des Affaires étrangères du président Valéry Giscard d'Estaing.

De la Françafrique à la France à fric

Mais la décennie 1990 annonce le déclin du mastodonte post-colonial. En décembre 1993 disparaît l'inventeur de l'expression "Françafrique", qui fut par ailleurs l'un de ses plus ardents défenseurs : le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Ses obsèques en la basilique de Yamoussoukro donnent lieu à l'une des dernières grands-messes françafricaines.

Par la suite, en 1994, la dévaluation de 50 % du franc CFA est vécue comme une trahison par les 14 ex-colonies françaises. La même année, les accusations portées contre la France par les autorités de Kigali arrivées au pouvoir à la suite du génocide rwandais constituent un nouvel électrochoc... Enfin, dernière commotion en date, l'affaire Elf qui, en 2002, met au jour la "France à fric", un processus détaillé par Loïc Le Floch-Prigent lui-même lors du procès : "L'argent d'Elf part en Afrique et revient en France." Conjugués, ces événements ébranlent un système qui permettait, jusque là, d'assurer la pérennité de régimes peu démocratiques mais fidèles à Paris.

 

Lire le dossier
50 ans des indépendances africaines
Fini le temps où les ex-colonies votaient comme un seul homme à l'ONU derrière l'ancienne puissance tutélaire. En 2003, le président sénégalais Abdoulaye Wade renâcle à condamner la guerre en Irak. Les présidences africaines se tournent de plus en plus vers la Chine. Depuis les années 1980 également, la France ne tient plus seule les rênes financières, qu'elle partage désormais avec l'Union européenne, la Banque mondiale et le Fond monétaire international.

 

Militairement, humainement et politiquement enfin, Paris réduit chaque année un peu plus sa présence en Afrique. Les accords de défense et leurs clauses secrètes sont progressivement renégociés. Le dispositif RECAMP, qui entend former les armées nationales pour les rendre autonomes, est mis en place. Le contingent militaire français se réduit. Les expatriés et les coopérants désertent les grandes métropoles du continent.

Afrique-France, à l'ère Sarkozy

Pourtant, la mort de "l'État franco-africain", selon l'expression du chercheur Jean-Pierre Dozon, prend du temps. Promise par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne présidentielle, la rupture avec la Françafrique se fait attendre. "On ne va pas se brouiller avec ceux qui nous rendent de grands services", justifie Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée. Au Tchad, Paris est suspecté de soutenir Idriss Déby Itno, lui apportant un appui militaire et logistique décisif en 2008, lorsque son pouvoir vacille sous les coups de boutoir de rebelles venus de l'Est du pays. La même année, la France ferme les yeux sur la répression des émeutes de la faim qui auraient coûté la vie à une centaine de personnes au Cameroun.

Quand Jacques Foccart meurt en 1997, son ex-bras droit autoproclamé, l'avocat Robert Bourgi, récupère ses réseaux qu'il met au service du président Nicolas Sarkozy en 2007. Son rôle ? Celui de "missi dominici" auprès des présidences africaines, sous la houlette de Claude Guéant. "Je suis un ami du président de la République et je lui passe des messages sur la situation en Afrique", explique celui qui se présente lui-même comme le "dernier des Mohicans".

L'un de ses messages aurait d'ailleurs coûté son maroquin à Jean-Marie Bockel, en mars 2008. L'ancien secrétaire d'État à la Coopération avait promis la fin de la Françafrique, suscitant l'ire d'Omar Bongo Ondimba. Le défunt président Gabonais aurait alors téléphoné à son avocat et conseiller Me Bourgi, qui rapporte ainsi le contenu de cet échange : "Fiston viens me voir, faut que tu dises à Nicolas que moi et les autres on ne veut plus de ce ministre." Quelques semaines plus tard, l'impétrant Bockel était remplacé par Alain Joyandet, totalement néophyte en affaires africaines.

En août 2009 encore, le conseiller Afrique officieux de Nicolas Sarkozy déclare au journal "Le Monde" que son candidat est Ali Bongo, à la veille de la présidentielle gabonaise organisée à la suite du décès d'Omar Bongo. L'annonce jette aussitôt le doute sur la neutralité de la France dans le scrutin. Au risque de nourrir, parmi la jeunesse, un sentiment anti-français qui était déjà apparu en Côte d'Ivoire en 2004, puis au Togo en 2005, lors de la présidentielle contestée.

"Pour Nicolas Sarkozy, l'Afrique est une affaire de flux migratoires, de trafics de drogue, ce n'est absolument pas une priorité pour lui, explique Vincent Hugeux, grand reporter à "L'Express" et spécialiste de l'Afrique. Le fait qu'il délègue ces affaires à d'autres, comme Claude Guéant, en favorisant le retour d'émissaires qui étaient en perte de vitesse dans la Françafrique chiraquienne est extrêment éloquent. Si la Françafrique est morte, son cadavre bouge encore."


Par David THOMSON
Source: France 24
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