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Maroc : de la nécessité d’un nouveau modèle de croissance

Publié par Ndouné sur 23 Février 2012, 21:52pm

Catégories : #Economie

Maroc---croissance-economique---photo---invest.gov.ma.jpgLes réserves de change marocaines continuent leur dégringolade, étant actuellement de 171 milliards de dirhams, soit seulement 5,5 mois d’importations, alors qu’en 2005 elles représentaient l’équivalent de 12 mois. Au-delà de l’aspect financier, cette évolution défavorable suscite plusieurs inquiétudes car elle n’est pas seulement le fruit
d’une conjoncture défavorable, mais bel et bien le résultat de
 fragilités structurelles liées non seulement aux équilibres macroéconomiques mais également au modèle de croissance adopté. 

 

Situation pas encore critique mais inquiétante !

 

Le niveau adéquat des réserves de change ne se rapporte pas seulement au nombre de mois d’importations qui sont couverts par ces réserves,
mais il faut y ajouter le service de la dette à court terme. Or si
 l’on juge par les dates d’exigibilité de la dette extérieure publique (dont la totalité est de moyen ou long termes), il n’y a pas de
pression sur les réserves en devises pour financer le service de la
 dette extérieure à court terme, ce qui permet de dire que le niveau
des réserves n’est pas critique.

Néanmoins, la situation reste inquiétante et ce à plusieurs égards. D’abord, parce que le niveau de réserves le plus bas depuis 10 ans a
été atteint et surtout que le rythme de diminution s’est accéléré :
 -18,6% en seulement quatre ans, dont - 12,4% pour la seule année 2011. Ensuite, parce que l’effritement des réserves en devises est devenu une lame de fond. Le déficit commercial ne fait que s’aggraver : en vingt ans, le déficit commercial a plus que doublé (+ 133,7%), et ce
qui est plus inquiétant est de savoir que ce déficit est lié à
 l’explosion de la facture alimentaire et énergétique.
Enfin, car il s’agit d’une tendance appelée à se prolonger du fait de
 la perspective de renchérissement des importations de matières premières et des hydrocarbures, ce qui fait planer le risque de la dépréciation du dirham. Une fois que la valeur du dirham aura baissé, les biens importés deviendront de fait plus chers, ce qui risque
d’entretenir la spirale négative.

 

A l’origine se trouve un modèle de croissance non viable

 

La dégradation des réserves de change est la conséquence inéluctable du modèle de croissance fondé sur la stimulation de la demande interne avec une économie en manque de productivité et de compétitivité. En effet, les mesures adoptées par les gouvernements successifs (baisses d’impôts, subventions de compensation, relèvement du SMIG, des
retraites..) visant à stimuler la consommation des ménages ont d’abord
 profité à nos fournisseurs étrangers.

En effet, suite à l’injection de pouvoir d’achat, et face à l’absence et/ou à la non compétitivité des produits marocains, les ménages se
tournant vers les produits étrangers ont fait exploser la facture des
 importations, ce qui a creusé le déficit du taux de couverture en dépit d’une amélioration des exportations. Globalement, les
importations se sont accrues en moyenne annuelle de 11% entre 2003 et
 2010, contre 7% seulement pour les exportations. Ce déficit de la
balance commerciale s’est répercuté négativement sur la balance des
 paiements, causant l’amenuisement des avoirs extérieurs.

 

Vers un nouveau modèle

 

Que la croissance marocaine soit tirée par la demande interne n’est pas un problème en soi, mais qu’elle soit nourrie par une consommation de ménages de plus en plus satisfaite par les importations fait peser des risques énormes sur sa force et sa viabilité.

Si jusqu’à présent nous avons pu compter sur les transferts des ressortissants marocains et des revenus du tourisme, la crise de l’endettement et la récession que connait le principal partenaire économique du pays risque de réduire cette marge de manœuvre puisque les budgets de voyage ainsi que les transferts sont les premiers postes à subir les difficultés économiques que traverse le vieux continent. D’où la nécessité de changer d’approche pour créer plus de valeur, et pour ce faire il est besoin d’adopter une approche complémentaire de la croissance par l’offre, fondée sur l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises. En effet, des entreprises compétitives permettront non seulement de faire rentrer
des devises, en développant les exportations, mais aussi d’en
 économiser en offrant aux consommateurs marocains des produits avec un
bon rapport qualité-prix.

 

Compétitivité

Ce qui est clairement en jeu ici, c’est la compétitivité de l’économie
 marocaine. Selon le dernier rapport publié par le World Economic Forum
(2011-12), le Maroc s’y classe 73e  sur 142 pays, surclassé par
 plusieurs pays arabes en raison de la persistance de plusieurs obstacles dont les principaux sont : accès au financement, fléau de la corruption, infrastructure inadéquate, lenteurs bureaucratiques ou encore la lourdeur des taxes. Cela démontre que l’amélioration de la compétitivité de l’économie marocaine passe forcément par l’amélioration du climat des affaires en plaçant la promotion de l’entreprise et de l’investissement privé au cœur du modèle de croissance marocain.

Depuis l’indépendance et jusqu’à présent, c’est l’Etat qui a toujours assuré le rôle d’investisseur principal, opérant ainsi un effet d’éviction sur l’investissement privé en le cantonnant à des activités à faible valeur ajoutée ou le renvoyant au secteur informel. Cette situation témoigne encore de l’excès d’interventionnisme étatique et de l’hostilité de l’environnement des affaires au Maroc en dépit de progrès tangibles (le Maroc ayant gagné 20 places dans le classement établi par Doing Business 2012 en passant du 115e rang au 94e sur 183
pays)
Toutefois, la marge de progression reste très importante sur plusieurs volets, d’où la nécessité d’une accélération des réformes, particulièrement la gouvernance, les droits de propriété, la justice et le financement, et ce, afin d’aplanir les obstacles àl’entrepreneuriat. Cela sera à même de rééquilibrer la croissance marocaine puisqu’elle sera tirée par deux moteurs : laconsommation des ménages et l’investissement des entreprises. Ce nouveau modèle de croissance soutenant à la fois la demande et l’offre domestique, permettra d’assurer une croissance forte, stable et surtout créatrice d’emplois.

Par : Hicham El Moussaoui

Hicham El Moussaoui est analyste sur www.UnMondeLibre.org.

 

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

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Photo : invest.gov.ma

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