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Perspective d'avenir: Une Afrique réconciliée avec ses populations et son histoire?

Publié par ndouné sur 29 Juillet 2008, 03:21am

Catégories : #Afrique

Le dernier sommet Afrique – Europe à Lisbonne a fait montre de dirigeants africains qui auraient vraisemblablement compris que l’Afrique dispose d’un potentiel important et d’atouts suffisants pour réussir son envol.

La démocratie et l’Etat de droit constitueraient des facteurs importants pour le développement. Ce constat semble en tout cas être partagé par la plupart des partenaires au développement qui en ont fait une conditionnalité pour leurs appuis aux pays subsahariens. La bonne gouvernance et le respect des droits fondamentaux sont devenus des credo dans les relations Nord/Sud. Les Etats subsahariens sont « sommés » de se moderniser en ouvrant un dialogue franc entre les pouvoirs publics et les autres acteurs sociaux locaux, en instaurant un Etat de droit et en opérant une décentralisation permettant à leurs populations de participer à l’effort de développement. Le dernier sommet Afrique – Europe à Lisbonne a fait montre de dirigeants africains qui auraient vraisemblablement compris que l’Afrique dispose d’un potentiel important et d’atouts suffisants pour réussir son envol. Loin de s’asseoir sur la richesse de leur sous-sol, ils ont brandi la force et la jeunesse de leurs populations et leur détermination dans la construction d’une véritable Union Africaine centrée sur les peuples. Le NOPAD constitue également une étape intéressante dans cette prise de conscience et dans l’évolution des rapports entre les dirigeants africains et leurs peuples.

La situation économique actuelle commande à l’Afrique subsaharienne de ne compter d’abord et surtout que sur elle-même comme le souligne si bien un ancien ministre français EDGAR PISANI : « Jamais nulle part dans le monde la charité n’a compensé l’injustice, jamais la générosité n’a tari la peine des hommes. Pour prendre l’histoire de mon pays, c’est la Révolution qui a fait naître la liberté, et, pour prendre l’histoire du monde, c’est la lutte syndicale qui a conduit à la justice sociale. Quant à l’avenir de l’Afrique, c’est le combat acharné des Africains qui le construira. Telle est la vérité, il faut la regarder en face. Ne comptez guère sur les autres. Comptez sur vous-mêmes (…) n’attendez pas demain, sachez et dites à tous vos gens que votre avenir dépend d’eux et de vous » . Les Africains se doivent de mobiliser toutes leurs capacités et énergies pour la modernisation de leur continent. Ils sont les seuls à pouvoir créer, avec ou sans aide extérieure, leur propre richesse par un développement conçu en fonction de leurs besoins. Cela passe par la création d’un modèle de développement africain permettant au citoyen de laisser libre cours à sa créativité dans le respect de la dignité et des droits individuels. Ceci n’est évidemment possible que dans le cadre de véritables Etats de droit dirigés par des élites responsables. La responsabilisation des collectivités locales, le renforcement des synergies entre le secteur public et le secteur privé et la contractualisation des partenariats apportent une dynamique nouvelle porteuse d’espoirs pour un développement harmonieux mettant les gens et leur bien-être au premier plan.

Les barrières douanières, les brutalités frontalières et l’exacerbation de l’identité nationale (au détriment d’une véritable promotion de l’identité africaine) sont des fléaux qui minent les pays africains et bloquent l’émergence de véritables pôles économiques subsahariens qui pourraient améliorer les conditions sociales des populations. Les politiciens africains, avec leur surenchère de l’identité nationale et leur désignation de l’allochtone comme responsable de tous les maux socio-économiques et de l’insécurité, ont souvent conduit les populations à mener de véritables « chasses aux sorcières » contre « ces envahisseurs » . C’est par vagues que les allochtones (africains) d’origine étrangère (Camerounais, par exemple) doivent repartir du Gabon ou de la Guinée Equatoriale, sous des jets de pierres et la menace policière sur une rumeur de tentative de déstabilisation du régime en place ou de malversations économiques. Ces maladresses politiques constituent une des plus grandes faiblesses actuelles des pays subsahariens dans la constitution de blocs régionaux solides et de pratiques économiques pouvant renforcer le développement.

La construction des infrastructures de la paix que sont les voies de communication (routes, chemins de fer, aéroports, ports,…) constitue un premier pas dans la constitution d’une véritable solidarité afro-africaine qui contribuera à renforcer les échanges économiques entre villes et villages frontaliers. Il faut reconnaître que dans certaines localités frontalières, les populations n’attendent pas les accords entre les gouvernements pour leurs transactions économiques et/ou sociales. Le challenge pour les élites politiques africaines se situe au niveau de la formalisation de ces échanges informels et la promotion de véritables accords de partenariats centrés sur une projection de l’avenir commun de leurs populations. C’est à ce niveau que l’appel à la responsabilité lancé aux élites africaines par EDGAR PISANI prend tout son sens. Ce n’est pas d’autres que les Africains eux-mêmes qui doivent porter le fardeau de l’essor de leur continent. La générosité internationale ne peut être utile à l’Afrique que si elle trouve sur place, des hommes et des femmes porteurs d’un projet concret et s’affichant en partenaires susceptibles d’apporter leur contrepartie au développement mondial.

Nous n’avons pas eu le même passé, mais nous aurons le même avenir rigoureusement. L’ère des destinées singulières est révolue .

La coopération au développement se trouve à un moment charnière dans l’histoire du développement humain. Le modèle occidental qui met en rapport l’économique, le social et le politique semble s’imposer dans tous les coins du globe terrestre. Les frontières ne sont plus une marque de sécurité ni de sûreté pour aucun pays au monde. La pollution ne les respecte pas, l’entêtement des candidats à l’immigration clandestine déjoue tous les plans et calculs des ministères de l’Intérieur, les épidémies (grippe aviaire, vache folle, chicungunia, fièvre aphteuse,…) n’attendent pas d’obtenir un visa pour s’inviter dans un territoire. Plus que jamais, la mondialisation s’impose bien au-delà des limites imaginées par ses concepteurs. Elle ne se limite pas, comme tend à le laisser croire une certaine orthodoxie, à l’échange des biens et des services. Il n’est plus simplement question aujourd’hui d’aider les pays pauvres ou en retard de développement comme s’ils étaient les seuls concernés par les préoccupations en matière de développement durable. Nous sommes tous embarqués dans le même bateau. Le réchauffement climatique fait certainement plus de dégâts ailleurs que chez nous, pourtant tôt ou tard ces problèmes nous rattraperont où que nous soyons. Si le développement est devenu l’affaire de tous, en somme une responsabilité collective, il convient alors de savoir à quel type de développement nous voulons faire allusion. Au niveau de l’environnement, il y a lieu de s’étonner que des mesures visant à diminuer la pollution (réduction des émissions de co2, normes de bruit…), la protection des espèces animales et végétales, etc. qui ont cours dans l’espace communautaire européen soient ignorées par les Etats de l’UE dans leurs rapports avec les pays du Sud en général, et plus particulièrement ceux d’Afrique subsaharienne. Plusieurs entreprises européennes n’hésitent pas à utiliser l’Afrique subsaharienne comme une véritable poubelle dont les effets néfastes sur l’environnement ne risquent guère d’arriver jusqu’à nous au grand dam des lois internationales .

Aide au développement, coopération technique et diaspora subsaharienne

Au niveau de l’aide au développement, les accords de partenariat doivent être respectueux des populations africaines. Si elles accordent à leurs gouvernants la responsabilité de les représenter et de s’exprimer en leur nom, les populations africaines ne peuvent toutefois être considérées comme de simples consommateurs sans importance comme c’est le cas dans les politiques menées jusque-là par les gouvernants subsahariens en partenariat avec leurs homologues occidentaux et orientaux. La rigidité des politiques prônées par les technocrates des institutions de Bretton Woods et de l’UE n’ont pas suffisamment tenu compte des gens. Seuls les accords scellés avec des gouvernants parfois décriés par leurs populations ont primé.

Plus que jamais, les partenaires au développement doivent prendre leur part de responsabilité dans la démocratisation, la décentralisation et le développement en Afrique au Sud du Sahara. Des partenariats solides visant à renforcer l’essor des collectivités locales et des acteurs non étatiques seront des signaux forts pour les dirigeants africains. Les Accords de Cotonou entre l’UE et les pays ACP semblent aller dans ce sens. La participation des acteurs non étatiques au développement local est fortement encouragée et ne se limite plus à la mise en œuvre des projets. Un cadre juridique permet désormais d’associer les acteurs non étatiques à tous les domaines importants du processus de coopération et notamment dans les trois piliers du partenariat : la coopération au développement, les relations commerciales et les dimensions politiques. Ils peuvent ainsi jouer un double rôle : celui de prestataires de services et celui de partenaires dans le dialogue. Pour éviter que de tels accords ne fondent dans la mécanique politique intégrationniste subsaharienne (qui se veut immuable), une pression constante sur les dirigeants subsahariens est indispensable. La pression doit renforcer une véritable éthique des jeux démocratiques et non rechercher le contrôle des intérêts égoïstes des Etats dans leurs conquêtes économiques. La coopération décentralisée offre l’opportunité à plusieurs localités africaines de bénéficier de l’expérience d’autres localités du monde dans la gestion du patrimoine, dans la gestion des questions sociales et environnementales… L’UE devra repenser la gestion du FED dans les pays subsahariens en se basant sur ses propres instruments de développement régional. Des programmes INTEREG et URBAN II pour les régions subsahariennes constitueraient des avancées majeures permettant le renforcement du financement de schéma de développement régionaux, véritables plans Marshall pour l’Afrique subsaharienne. Un renforcement des capacités et une coopération technique viables pour cette région du monde passe plus que jamais par une aide substantielle au retour des migrants dans leurs régions d’origine. Les partenaires au développement doivent en toute priorité permettre aux ressortissants africains, quelle que soit leur nationalité africaine ou non, d’être des acteurs privilégiés dans la formation et la reconstruction de leur continent. Les précédentes politiques en matière de coopération technique qui visaient l’envoi de coopérants occidentaux en Afrique doivent être oubliées. D’abord parce que sur place les coûts supportés par le budget de la coopération sont élevés, et ensuite parce qu’il ressort de différentes études que le transfert de compétences n’a pas véritablement lieu . Les conflits sociaux générés par des politiques salariales pour lesquelles Occidentaux et Africains ont des visions opposées peuvent être contournés par des politiques s’affichant pros africaines et mettant au premier plan les diplômés subsahariens enfermés dans la précarité dans les métropoles européennes. Nous avons interpellé plusieurs fois les responsables Occidentaux sur cette question. Notamment, le Président de la Commission Européenne José Manuel Barroso, l’ancien Ministre belge Armand De Decker et le commissaire européen Louis Michel concernant la reconstruction de la RDC et le retour de la paix et de la stabilité dans la Région des Grands Lacs en général. Il nous semble que la diaspora dispose de bien meilleurs interlocuteurs et experts pour mener à une paix et à un développement sur lesquels ne plane aucun soupçon de néocolonialisme ou de renforcement d’intérêts égoïstes. La diaspora africaine en Belgique et dans l’ensemble de l’Union Européenne affiche un dynamisme qui ne justifie pas sa marginalisation par les autorités politiques sur les questions concernant l’avenir de leur continent. C’est à notre avis, l’une des principales sources des échecs incessants des tentatives européennes en Afrique subsaharienne.

Louis Paul Eyamo, Chercheur en Relations Nord-Sud et Expert en Coopération au Développement

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