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Interview accordée par Salibou GARBA, Président de l’AND, au Journal L’Observateur

Publié par Ndouné sur 18 Décembre 2008, 20:02pm

Catégories : #Interview

Interview accordée par Salibou GARBA, Président de l’AND, membre de la CPDC et membre du Comité de Suivi et d’Appui de l’Accord politique du 13 août 2007, au Journal L’Observateur n°490 du 18 décembre 2008.

 

Quel bilan faites- vous de l’année 2008

 

Salibou Garba : L’année 2008 a été une année très difficile pour les tchadiens. Déjà l’année 2007 s’était  terminée avec des affrontements armés à l’est. L’année 2008 a commencé avec la guerre qui a laissé des séquelles énormes. Donc pour moi l’année 2008 aura été une année très, très triste. Elle aura été une année où la classe politique tchadienne a été rudement éprouvée.

 

Aujourd’hui, et ce n’est pas moi qui le dis, ce sont tous les rapports des Ongs qui sillonnent l’est du pays qui le disent, les populations sont dans une situation d’insécurité généralisée, une situation de militarisation à outrance, une situation de non Etat.

 

Dans les autres parties du pays, les populations sont en proie à un environnement extrêmement pénible. Nous avons des témoignages quotidiens sur les conflits éleveurs-agriculteurs. Aujourd’hui, les agriculteurs de la zone méridionale ont du mal à récolter, parce que les troupeaux appartenant aux autorités administratives, civiles et militaires, sont déversés délibérément dans les champs, créant une situation extrêmement tendue et explosive.

 

Quel est l’événement politique majeur qui vous a le plus marqué sur le plan national ?

 

S.G : L’événement politique majeur qui m’a marqué et qui m’a meurtri est incontestablement les enlèvements que l’armée régulière a opérés au sein de la classe politique. Et vous savez que jusqu’aujourd’hui, nous sommes sans nouvelle de notre ami Ibni Oumar Mahamat Saleh. Nous n’oublierons jamais ce fait. Nous ne cesserons jamais de nous battre pour que la lumière soit faite, pour qu’on nous dise où  est-ce qu’il est, mort ou vivant. Et que les responsables, à quelque niveau que ce soit, rendent compte.

 

Qu’est ce qu’il y a eu de positif au cours de l’année 2008 qui a pu retenir votre attention?

 

S.G : Si vous voulez absolument trouver quelque chose de positif, c’est peut-être de considérer qu’à partir du malheur profond que nous subissons, nous pourrions être en mesure de tirer des leçons.

 

Ce qui peut être considéré également comme positif aujourd’hui, c’est que même la communauté internationale se rend compte de plus en plus que nous avons  à faire à un régime qui ne tient pas à ses engagements, qui pratique la militarisation à outrance, qui ne se gêne pas d’avoir pour orientation cardinale la guerre, toujours la guerre. Le fait que tout le monde, y compris les alliés inconditionnels du régime, commence à connaître la nature profonde du système et à prendre conscience, est donc relativement positif.

 

La formation d’un gouvernement d’ouverture n’est-t-il pas un acte positif du régime qui a longtemps ignoré l’opposition ?

 

S.G : Non, je ne le pense pas. J’ai été un des principaux négociateurs de l’accord politique du 13 août 2007. Ce gouvernement dont on parle n’est pas un gouvernement dans l’esprit de l’accord. L’accord a certes prévu la gestion commune de cette période qui doit nous conduire aux élections, mais n’en a pas arrêté les modalités.

 

Comme vous savez, un accord est une convention. A l’instar des lois ou d’autres textes fondamentaux, il faut des modalités de mise en œuvre. Et les modalités de mise en œuvre, ne devraient pas être celles que nous voyons. Il ne devrait pas s’agir d’un gouvernement d’ouverture. En aucun cas dans l’esprit de l’accord, nous ne devons participer à un gouvernement d’ouverture.

 

Si gouvernement il  y a, il ne peut être qu’un gouvernement de consensus pour la mise en oeuvre du programme issu de l’accord. Or, j’ai entendu le Premier ministre dire, à l’Assemblée nationale, qu’il n’a pas de programme  et que son programme se résume à celui du président de la République. Le programme du président de la République n’est pas celui de l’opposition.

 

Donc ceux qui sont allés au gouvernement, je le répète, sont allés à titre personnel et non au nom de l’opposition. D’ailleurs, chaque fois qu’ils s’expriment, c’est pour attaquer la CPDC et non le MPS, et pour dire que tel ou tel point de l’Accord politique du 13 août 2007 qu’ils ont pourtant signé n’est pas réalisable. C’est le programme du Président du MPS que ce gouvernement exécute. Ce n’est qu’un constat.

 

Quel commentaire faites-vous des propos de M. Desesquelles qui parle de victoire certaine du MPS lors des futures élections ?

 

S.G :C’est dommage qu’un observateur, un facilitateur ait un parti pris. Parce que M. Desesquelles l’a souvent montré, même pendant le dialogue : alors que les acteurs concernés discutaient encore, il ne s’était pas gêné pas de faire des déclarations, d’arrêter le calendrier des échéances etc.

 

Voilà que maintenant, il va jusqu’à proclamer les résultats des élections avant même que la CENI ne soit mise en place. Ca, c’est une singulière façon de faire de la facilitation. C’est très grave et dangereux car susceptible de semer les germes des violences post-électorales dont les ravages sont connus à travers notre continent. M. Desesquelles risque d’être à la fois pyromane et pompier ! Dans ce genre d’exercice, c’est l’aspect pyromanie qui domine.

 

Ceci dit, on ne peut pas présager du résultat des élections. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent jouer. Il y a d’abord le sentiment de la population. Aujourd’hui, si vous regardez le Tchad, du nord au sud, de l’est à l’ouest, vous ne pouvez pas honnêtement dire que c’est le grand amour entre les populations et le pouvoir. Maintenant pour gagner des élections, il y a certainement d’autres conditions. C’est pour cela que lors de notre dialogue, nous avons insisté pour que, outre l’arsenal juridique qu’il faut mettre à niveau, il y ait  un environnement propice à l’organisation des élections crédibles.

 

Cet environnement concerne d’abord la sécurité. Parce qu’il faut que les citoyens  et les acteurs politiques puissent circuler dans tous les coins et recoins de la République du Tchad. Et ça, vous ne pouvez pas le faire, si vous ne réformez pas l’armée, si l’armée se comporte comme  nous le voyons aujourd’hui.

 

Deuxièmement, il faut démilitariser l’administration territoriale. Pour cela il faut des agents formés. Il y’en des dizaines voire des centaines qui sont au chômage aujourd’hui sous les neems au ministère de l’Intérieur. Il faut qu’ils reprennent du service et qu’on leur fasse une remise à niveau. Il faut dépolitiser les institutions de l’Etat, rompre réellement avec cette idéologie de parti-Etat. Enfin, vous avez les questions d’organisation même des acteurs et compétiteurs.

 

Evidemment, si l’on fait exprès de maintenir un climat de terreur dan le pays (ce qu’on avons vu le 10 décembre dernier, nous ramène  au temps de l’Unir, au temps du parti unique, et  si vous écoutez la radio et regardez la télé d’Etat, vous conviendrez nous revenons à l’époque du culte du guide éclairé), donc si vous maintenez cette ambiance-là et si M. Desesquelles veut absolument nous conduire à l’abattoir, évidemment vous n’aurez que ce résultat-là découlant d’une mascarade électorale.

 

Mais nous souhaitons pour notre pays la paix et l’harmonie. Que les choses se passent convenablement et que les différents aspects de l’accord du 13 août soient correctement et complètement exécutés,  du moins à un niveau optimal, pour nous permettre d’aller à des élections les moins contestées possibles. Peu importe qui va gagner.

 

Nous sommes en 2008 et les élections, c’est probablement en 2010, nous ne savons pas ce qui va se passer d’ici là. Donc je ne suis pas madame Soleil comme M. Desesquelles pour lire l’avenir.

 

 

ITW réalisée par Samory Ngaradoumbé  

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