Jean-Marie Guehenno Non, mais elle a changé ma vie, comme elle peut parfois changer la vie des autres. C'est effectivement une responsabilité lourde. Quand j'ai quitté mes fonctions en juillet dernier, 18 opérations de maintien de la paix étaient en cours de par le monde, mobilisant 130 000 personnes et un budget de 7 milliards de dollars. En huit ans, le personnel déployé a été multiplié par quatre ou cinq. Aujourd'hui, on vit au rythme d'une crise par semaine. C'est donc une tâche lourde, mais qui en vaut la peine. Et puis il y a une telle attente dans nos missions. Une attente immense... Bien sûr. On pense à l'Afghanistan, au Pakistan. Et puis à l'Afrique. Les polarisations du Moyen-Orient commencent à entrer sur le continent africain par la Corne. C'est très grave et cela posera un problème stratégique : le monde doit s'engager davantage en Afrique. Que ce soit au Darfour ou dans la région des Grands Lacs, le monde n'est pas assez présent. Mais la force ne règle à elle seule aucun problème. C'est une illusion. Elle peut aider à construire un processus de paix mais pas le remplacer. La vraie question reste toujours : comment trouver un accord politique dans des situations brûlantes ? Vous savez, dans les situations de conflit, on voit le pire et le meilleur chez l'homme. J'ai appris durant toutes ces années intenses à quel point la société humaine est un tissu fragile qui se défait très vite, mais qui est surtout très difficile à recomposer. Quel impact pourrait avoir l'actuelle crise financière sur la stabilité du monde ? Ce qui m'inquiète dans cette crise, ce ne sont pas d'abord les pays riches. Ils sont touchés mais ils ont les moyens de faire face. L'impact sur les pays pauvres sera beaucoup plus grave et risque de provoquer des déstabilisations. J'espère qu'au cours des douze prochains mois, le monde riche saura être solidaire. Je vais d'abord écrire pour partager ce que j'ai acquis durant ces huit ans : une certaine proximité avec la diversité du monde. Et je vais rester actif et engagé. Je veux continuer d'essayer de changer la vie des autres. Effectivement, la guerre, c'est toujours la mort des autres, et dans mon métier, j'ai essayé d'aider les autres à faire la paix. Toute guerre nous ramène à notre destin collectif, mais elle ne nous décharge pas de notre responsabilité individuelle. Dans son livre, mon père a magnifiquement exprimé cette grande tension qui reste plus que jamais d'actualité. Propos recueillis par Éric CHOPIN. |
Source : La Nouvelle Tribune
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