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Tchad/Affaire de l’ONG l’Arche de Zoé : Arrêt de la cour d’appel de N’Djamena : Crimes et délits – Tentative d’enlèvement d’enfants

Publié par Ndouné sur 30 Mars 2009, 22:58pm

Catégories : #Justice

COUR D’APPEL DE N’DJAMENA COUR CRIMINELLE

Arrêt n°00005 du 12 septembre 2007 Ministère public c/ E.B, E.L, A.P, M.N, D.A, P.V, S.I et M.D

CRIMES ET DELITS – Tentative d’enlèvement d’enfants – Éléments constitutifs – Faux et usage de faux – Condamnation – Paiement de dommages-intérêts.

Une ONG étrangère investie d’une mission humanitaire a tenté d’enlever de manière illégale une centaine d’enfants. Poursuivie de ce chef de demande, la Cour a estimé que l’infraction était constituée et l’a condamnée les responsables aux travaux forcés et au paiement de dommages-intérêts.


La Cour,


Considérant que les membres de l’ONG l’Arche de Zoé ont débarqué au Tchad investis d’une mission apparemment humanitaire, donc noble. En réalité, ils dissimulaient leur réelle intention, car très rapidement, en fait d’humanitaire, ils ont basculé dans l’inhumanitaire ;

Considérant que le 16 août 2007, E.B, E.L et C.L débarquent à l’Aéroport Hassan Djamous de N’Djaména, munis d’un visa de court séjour trois (3) mois avec plusieurs entrées et sorties et ce, dans un cadre touristique ;

Considérant que le 17 août 2007, ils se sont fait enregistrer auprès du service d’Exploitation des Étrangers du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique et ont obtenu de cette autorité une autorisation collective de circuler ;

Considérant que cette autorisation précise que les bénéficiaires sont les personnels de Children Rescue autorisés à circuler dans les régions du Ouaddaï et Wadi-Fira dans le cadre des actions humanitaires destinées à secourir les enfants réfugiés de Darfour et ce pour une période de six (6) mois allant du 17/08/07 au 12/02/08 ;

Considérant que le 21 août 2007, E.B, E.L et C.L débarquent à Abéché à bord d’un petit avion piloté par Monsieur F.X, de nationalité Belge ;

Considérant que du 24 au 26 août 2007, ils ont effectué deux vols d’Abéché - Adré puis Abéché-Wadi-Fira (Bahaî) et Tiné ; vols au cours desquels ils ont étudié le terrain, planifié et évalué discrètement le programme d’exécution de leurs opérations dans les régions précitées ;

Considérant qu’aux termes de leur première semaine dans le Ouaddaï et le Wadi-Fira, les trois (3) Français regagnent N’Djaména d’où ils se sont envolés le 28 août 2007 à destination de Paris ;

Considérant que deux semaines plus tard, E.B et E.L, à la faveur de leur visa de court séjour trois (3) mois avec plusieurs entrées et sorties, sont revenus pour un second séjour au Tchad ; mais cette fois-ci sans être accompagnés de leur compagnon C.L ;

Considérant que cependant, six (6) autres Français faisaient partie du voyage. Il s’agit de :

1- P.V ; 2- J.D ; 3- D.A ; 4- A.P ; 5- M.A ; 6- M.N ;

Considérant que tous bénéficiaires d’un visa de court séjour délivré par l’Ambassade de France à Paris avec une seule entrée, dans le but d’effectuer une mission humanitaire au Tchad, alors que paradoxalement, les trois premiers en séjour touristique ;

Considérant que du 19 septembre 2007 date de l’arrivée à Abéché au 30 septembre, ce fut leur installation ; leurs activités macabres ont démarré réellement le 01/10/07 en prenant pour cibles les villages frontaliers de Ouaddaï par Adré et Wadi-Fira par Tiné Tchad, à la recherche des orphelins du Darfour pour les accueillir ;

Considérant que dans les villages frontaliers des ethnies Zaghawa et Massalit, à cheval entre le Soudan et le Tchad, ils ont trompé les parents des enfants en arguant que leur assistance humanitaire consistera à nourrir, à soigner et éduquer les enfants à eux confiés, sur place à Adré ;

Considérant qu’ils ont utilisé les mêmes tromperies pour impliquer les autorités locales, à savoir A.I, Sous-préfet de Tiné ; S.A, Secrétaire Général de la Mairie de Tiné et M.D, Chef de village de Tiné centre ; que cette tromperie remonte plus haut ;

Considérant qu’ils ont trompé le personnel de l’Ambassade du Tchad à Paris à qui ils ont dissimulé leurs véritables intentions pour obtenir le visa touristique pour certains et humanitaire pour les autres ;

Considérant qu’ils utilisent les mêmes subterfuges pour se faire délivrer par le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, l’autorisation de circuler dans les régions du Ouaddaï et de Wadi-Fira ;

Considérant que du 01 au 14/10/07, avec l’aide des agents locaux qui ignoraient leurs véritables intentions, ils ont réussi à regrouper cent trois enfants (103), par la suite transférés à Abéché dans le Centre de regroupement par terre et par air (sept rotations par air au total) ;

Considérant que le déplacement de ces enfants d’Adré à Abéché s’est opéré clandestinement sans qu’aucune autorité administrative ou les responsables de la Sécurité n’aient été informés ;

Considérant qu’à partir d’Abéché, Monsieur E.B, Chef de mission et les membres de son équipe ont commencé à préparer l’enlèvement des cent trois (l03) enfants en direction de la France et ce, tout discrètement ;

Considérant que le photographe J.D de l’Agence Synchro X, qui a couvert tous les préparatifs de l’opération a été interpellé, inculpé en même temps qu’eux et qui a bénéficié par la suite d’une liberté provisoire, a publié les photos de ses camarades ;

Considérant qu’ils ont prétendu sauver les enfants du Darfour. Ils ont multiplié les erreurs, les mensonges, les inconsciences avec à la tête de cette ONG, un couple qui se sentait investi d’une mission. Ils ont failli par leur comportement jeter le discrédit sur d’autres ONG réellement humanitaires ;

Considérant qu’une mascarade qui est devenue accablante (cf Paris-Match, dame N.M) infirmière en train de poser de fausse perfusion à l’enfant ;

Considérant que le scandale est sur la place publique. Il est temps de situer les responsabilités sur la tentative d’enlèvement d’enfants ;

Considérant que les conseils des inculpés avaient introduit une requête en disqualification des faits incriminés en invoquant l’article 290 du Code pénal en lieu et place de l’article 286 du même Code initialement retenu ; Qu’en effet l’article 290 ne fait pas allusion à la tendance à compromettre l’état civil or en l’espèce E.B a fait établir des attestations qui sont d’ailleurs des faux, relevant que l’autorité légale lui a définitivement confié les 103 enfants ; que ce document portant mention définitivement suffit à lui seul pour établir sans conteste que les faits incriminés tendant à compromettre les états civils de 103 enfants à transporter en France ;

Qu’en l’espèce, l’article 290 du Code pénal ne saurait être appliqué mais plutôt 286 du même Code qui dispose que « les coupables d’enlèvement d’enfants, de recel, de suppression d’un enfant tendant à compromettre son état civil seront punis des travaux forcés à temps » ; que si les membres de Children Rescue réussissaient leur coup avorté indépendamment de leur volonté, ces enfants ne reviendraient pas au Tchad et ils n’avaient pas autres parents que ceux qui les avaient mis au monde d’où tentative d’enlèvement des enfants, laquelle tentative manifestée par un début d’exécution ou par des actes non équivoques dans une entreprise à commettre un crime ou un délit n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté des membres de l’Arche de Zoé ; que le témoignage de Monsieur J.D, le photographe qui assistait, caméra en mains aux préparatifs de l’enlèvement, décrit mieux que les textes la tentative ;

Sur la tentative d’enlèvement des enfants

Considérant que les conseils des inculpés avaient introduit une requête en disqualification des faits incriminés en évoquant l’article 290 du Code pénal en lieu et place de l’article 286 du même Code initialement retenu ; Qu’en effet l’article 290 ne fait pas allusion à la tendance à compromettre l’état civil, or en l’espèce, E.B a établi des attestations qui sont d’ailleurs des faux, relevant que l’autorité légale lui a confié définitivement les 103 enfants ;

Que ce document portait la mention définitivement suffit à lui seul pour établir sans contexte que les faits ici incriminés tendent à compromettre les états civils de 103 enfants à transporter en France ;

Qu’en l’espèce, l’article 290 du Code pénal ne saurait être appliqué mais plutôt l’article 286 du même Code qui dispose que « les coupables d’enlèvement d’enfants, de recel, de suppression d’un enfant tendant à compromettre son état civil, seront punis de travaux forcés à temps » ;

Si les membres de Children Rescue réussissaient leur coup avorté indépendamment de leur volonté, ces enfants ne reviendraient pas au Tchad et ils n’avaient pas d’autres parents que ceux qui les avaient mis au monde d’où tentative d’enlèvement des enfants, laquelle tentative manifestée par un début d’exécution ou par des actes non équivoques dans une entreprise à commettre un crime ou un délit n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté des membres de Arche de Zoé ;

Que le témoignage de Monsieur J.D, le photographe qui a assisté, caméra en mains aux préparatifs de l’enlèvement ; qu’ainsi, il y a lieu de conclure à la tentative d’enlèvement d’enfants et de retenir en conséquence leur culpabilité ;

S’agissant de la complicité de tentative d’enlèvement d’enfants

Considérant que les collaborateurs tchadiens de l’équipe de Arche de Zoé à savoir S.I et M.D reconnaissent les faits qui leur sont reprochés ; qu’ils ont affirmé qu’ils ont regroupé les enfants de différents quartiers de Tiné pour les conduire au Centre d’Abéché, 15 enfants dont un enfant de 17 mois mais soutient seulement que le Chef de mission, Monsieur E.B leur a dit qu’il va créer une école où ces enfants vont apprendre le Français et l’Arabe ; que c’est cela qui les a déterminés à remettre leurs enfants à Arche de Zoé alors qu’aucune école n’a été construite à cet effet ;

Que Monsieur E.B a trompé S.I et M.D ; qu’ainsi, il y a lieu de leur reconnaître de larges circonstances atténuantes ;

En ce qui concerne l’acquittement des Sieurs S.N et A.H ;

Considérant que les sieurs S.N et A.H sont poursuivis de chef de complicité de tentative d’enlèvement ; que tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur, ils nient les faits à eux reprochés ; qu’ils déclarent qu’ils n’ont jamais pris contact avec les membres de Arche de Zoé, donc, ils ne sont ni de près ni de loin mêlés dans cette affaire ; que mieux Monsieur E.B, le chef de mission déclare qu’ils n’ont joué aucun rôle dans cette affaire ; qu’en clair, ils ne sont donc pas complices dans cette opération d’enlèvement ; qu’il y a par conséquence lieu de les acquitter ;

Sur les faux en écriture publique

Considérant que non seulement les membres de Children Rescue avaient tenté d’enlever les 103 enfants mais ils avaient également fait en écritures publiques avec les attestations certifiant que les autorités Soudanaises leur avaient par l’intermédiaire de S.I confié les enfants orphelins de père et de mère du Darfour ;

Que S.I en tant que autorité légale, chef des villages Garaï et D.H, chef de village de Ouadicon ont confié définitivement aux bons soins de l’Organisation humanitaire Children Rescue leurs enfants ; que le sieur S.I est un réfugié Soudanais qui réside au Tchad depuis 6 ans ; qu’il ne reconnaît pas avoir signé une quelconque attestation alors qu’il apparaît dans les photos présentées à la barre ;

Que de tout ce qui précède, il n’y a aucun doute que les sieurs E.B et S.I ont fait du faux et usage du faux ; que leur culpabilité est établie ; car tous les deux apparaissent sur les photos au moment de la signature des attestations ;

S’agissant de la grivèlerie

Considérant qu’à partir de leur arrivée à Abéché jusqu’au 30/09/07, E.B et son équipe ont commencé à s’installer en louant chez les particuliers 10 véhicules Toyota, une villa au quartier Goz-Amir servant de leur siège et un second bâtiment à Adré servant de bureau secondaire ; que le chef de mission E.B parlait d’un chèque de dix sept millions de francs CFA (17.000.000 CFA) pour couvrir ces frais de location alors que à l’époque leur compte affichait un compte créditeur de 423.085 francs ;

Que E.B n’avait pas d’argent pour payer les locations des villas et de véhicules au moment où ils devaient monter dans l’avion avec les enfants ; qu’ils savaient qu’ils n’avaient pas d’argent pour payer les particuliers qui leur ont loué leurs villas et leurs véhicules ;

Qu’ainsi, E.B et ses compagnons se rendent coupables de grivèlerie ;

Sur le sort de l’avion Boeing 757-200 et le petit avion, appartenant à Arche de Zoé

Considérant que pour mener à bien leur opération tendant à enlever les 103 enfants, les membres de l’ONG ont affrété un avion Boeing 757-200 appartenant à la compagnie espagnole GIR-JET ; qu’au moment où les membres de Arche de Zoé devaient quitter Abéché avec les enfants, que le pilote, les hôtesses étaient arrêtés, l’avion était immobilisé à l’aéroport d’Abéché ;

Que le pilote et les hôtesses ont par la suite bénéficié d’un non-lieu ; que non seulement l’avion n’a pas encore transporté les enfants mais la compagnie GIR-JET ignorait le but recherché par les membres de Arche de Zoé ;

Qu’en conséquence, il y a lieu d’ordonner la restitution du Boeing 757-200 au propriétaire GIR-JET ;

Qu’en revanche, le petit avion qui a servi à transporter effectivement les enfants doit être confisqué ainsi que les autres matériels ayant servi à la commission de l’infraction ;


Par ces motifs :


Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière criminelle et en dernier ressort ;

Déclare E.B, E.L, A.P, M.N, D.A, P.V coupables du crime de tentative d’enlèvement de 103 enfants tendant à compromettre leur état civil et de grivèlerie ;

Les condamne à 8 ans de travaux forcés ;

Déclare E.B et S.I coupables de faux et usage de faux ;

Déclare M.D coupable de complicité de tentative d’enlèvement de 103 enfants, S.I également de complicité de tentative d’enlèvement ;

Dit cependant qu’ils bénéficient de larges circonstances atténuantes ;

Les condamne à 4 ans d’emprisonnement ferme chacun ;

Ordonne la confiscation du petit avion appartenant à Children Rescue au profit de l’Etat Tchadien ainsi que les autres matériels ayant servi à la commission de l’infraction ;

Condamne E.B, E.L, A.P, M.N, D.A, P.V, S.I et M.D solidairement à payer la somme de quatre milliard cent vingt millions (4.120.000.000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts à raison de quarante millions par enfant aux parties civiles ;

Déboute les parties civiles du surplus de leur demande ;

Déclare S.N et S.A non coupables des faits à eux reprochés ;

Les acquitte ;

Ordonne la restitution du Boeing 757-200 au propriétaire GIRT-JET ;

Déboute l’Etat Tchadien de sa demande de paiement des frais de stationnement et de gardiennage ;

Condamne les coupables à payer à l’Etat Tchadien la somme de un franc symbolique ;

Ordonne la réintégration des enfants aux parents identifiés ;

Condamne solidairement E.B, E.L, A.P, M.N, D.A, .P.V à payer les sommes de trente millions de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus à A.M, quinze millions de francs CFA pour tous préjudices confondus à Y.K, vingt cinq millions de francs CFA pour tous préjudices confondus à H.H ;

Déboute A.M, Y.K et H.H du surplus de leur demande ;

Condamne E.B, E.L, A.P, M.N, D.A, P.V, S.I et M.D solidairement aux dépens ;

Le tout en application des articles 4 aliéna 3, 286, 312, 55 du Code pénal, 13 ; 161 du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil ;

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, le présent arrêt est signé par Monsieur le Président et le Greffier audiencier.

Président : Ngarhondo Djidé

Juges : Abdoulaye Cheick ; Dogo Djangrang Baïssam

Assesseurs : Barma Guelé, Djingar Dobehoudou, Djibrine Ngambor, Tchilang André


Par Sabre Hissène,
Source: CEFOD
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